Programme 2019-2020 et 2020-2021

IDENTITE ET PSYCHANALYSE 

Identité – Identification – Nomination 

Ces trois termes déterminent, entre eux et chacun pour soi, des écarts entre semblable et commun, universel et singulier, pluriel et unitaire voire unaire.
Ils posent ensemble la même question, du même et de la différence, à différents niveaux. 

L’identité, principe logique, navigue entre glissement et resserrement, entre symptôme et assignation sur-identitaire. Elle envahit le social ; politics identity, quête de diagnostics, reconnaissance faciale, identités sexuelles (LBGT+) dans un besoin de se reconnaître au milieu de semblables et dans une recherche de nomination qui se voudrait apaisante. 

Une première question serait d’interroger l’articulation de l’identité et de l’image, et plus particulièrement de l’image spéculaire à l’origine de la construction de chacun.
Car s’il y a, avec le soutien du regard et de la reconnaissance de l’Autre, une identification première à l’image spéculaire de soi-même à la fois nécessaire et aliénante, cette identification engage dans des identifications successives témoignant de la construction kaléidoscopique et donc imaginaire de chacun. 

Quelle est la place de l’identification dans une cure psychanalytique ? Comment travaille-t-elle dans l’élaboration du désir inconscient ou dans l’image inconsciente du corps ? Quel est son rôle dans le transfert, la fin de la cure ou encore les processus de création et également dans la symbolisation ? 

Si une identification appelle une nomination, la nomination serait-elle un moyen d’éviter un glissement sans fin des identifications, un moyen de déboulonner la fascination de l’image ? 

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Mercredi 16 octobre 2019

PSYCHANALYSE ET IDENTITE

Identité – Identification – Nomination

Ouverture par les membres du C.A

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Mercredi 6 novembre 2019
Marc Léopold Lévy
« L’adolescence, une piqûre de rappel »

 Le sujet pour devenir individu a, pour une part, dit non à la jouissance parentale ; afin d’affirmer son identité  c’est ce non, en plus affirmé, qu’il répète à l’adolescence .

Discutant : Patrick Belamich

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Mercredi 20 novembre 
Stéphane Thibierge
Les enjeux de la nomination : 
reconnaissance et identification dans une cure, dans les groupes et chez les analystes

La nomination fait trou, rappelle l’argument, citant Lacan dans RSI. Pouvons-nous en attendre, à partir de l’expérience partagée de la cure, un déplacement de la question de l’identification et de l’identité chez les analystes ? Question singulière et politique, dont l’issue intéresse aussi la cité au-delà des groupes analytiques.

Discutants : Nicole Sorand, Jacques Aubry 

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Mercredi 11 décembre 2019
Michel Rossignol
Traiter du vivant

 « Nous avons fait comme s’il existait dans la vie psychique – dans le moi ou dans le ça, cela reste indéterminé – une énergie déplaçable qui, en soi indifférente, peut venir s’ajouter à une motion qualitativement différenciée, érotique ou destructive, et augmenter son investissement total. Nous ne pouvons absolument pas nous passer de l’hypothèse d’une telle énergie déplaçable. In Le Moi et le ça, p. 258. Ed. Payot

A partir de ce que Freud énonce là il convient de considérer le sort que nous attribuons à cette « énergie indifférente », se fier à l’entropie dont la pulsion de mort freudienne avec son retour à l’inanimé serait le modèle ou bien miser sur la possibilité d’orienter cette énergie vers le désordre de la vie (la néguentropie de Schrödinger).

Seront invités principalement H. Michaux et A. Artaud, sans doute le Tao Te King, mais aussi Lacan et quelques autres.

Discutante : Maryse Martin 

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Mercredi 15 janvier 2020
Isabelle Lemaire
De l’Entre soi comme frayage vers une altérité possible

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Mercredi 29 janvier à 21h
Cécile de FERRIÈRES
« Mister Him, passeur d’une langue que notre bouche ignore. »


Pour élaborer son cheminement analytique et pour le transmettre , faut-il d’abord s’appuyer sur des concepts ou emprunter un chemin sensiblement différent ?

 Je tenterai de creuser mon sillon dans cette question.

Discutant: Patrick Belamich    

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Mercredi 24 Juin 2020
Jean-Mathias PRE-LAVERRIÈRE
À Propos de la conférence de Marielle MACÉ « Le nous » 

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Mercredi 1 juillet 2020 
Film Les Heures heureuses
De Martine DEYRES

Pendant la seconde guerre mondiale, 45000 internés sont morts dans les hôpitaux psychiatriques français. Un seul de ces hôpitaux échappe à cette hécatombe. A partir d’archives filmées, retrouvées à l’asile de Saint Alban, le film nous plonge, sur plusieurs décennies, dans l’intensité d’un quotidien réinventé, où courage politique et audace poétique ont renouvelé le regard porté sur la folie.

Martine Deyres est la réalisatrice du très beau film sur Jean Oury  «  Le sous bois des insensés » pour lequel le Cercle Freudien et les ateliers de psychanalyse avaient organisé une projection.

Pascale Hassoun et Patrick Chemla lanceront le débat

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2020-2021

Identité et psychanalyse (suite), Question de style(s) ? 

Tout en poursuivant le thème que nous avions initié l’an dernier qui reste toujours d’une actualité brûlante nous souhaiterions cette année vous proposer de déplacer le curseur du côté du psychanalyste. 

Si, comme l’annonce Jacques Lacan : « C’est toujours à la pratique que la théorie a enfin à passer la main », sur quoi repose cette pratique? 

Au cours de son séminaire qui suivait celui de Lacan, Olivier Grignon empruntait plusieurs chemins. L’un d’eux, et pas des moindres, était de pister l’homme Lacan derrière le psychanalyste. A partir de quelles expériences ou de quels savoirs en tant qu’homme y compris dans ses relations avec les femmes, Lacan travaillait-il en tant que psychanalyste ? 

Au-delà de la théorie et de ses références culturelles si variées, sur quoi fondait-il sa pratique et son style si particulier ? 

Certains des derniers exposés au cours des mercredis présentés par différents intervenants vont dans ce sens et nous amènent à proposer cette relance. Sur quoi repose notre travail avec nos patients ?
Il s’agirait d’interroger chacun sur quoi se fonde sa pratique. A partir de là serait-il possible de se faire une idée sur ce qui fait son identité de psychanalyste, ou plutôt ce qui fait son style ? 

Une pratique ritualisée, trop empreinte d’identifications aux « psychanalystes de la belle époque » – en place d’idéal – ne peut qu’être mise à mal dans le contexte actuel que nous traversons marqué par une crispation identitaire. Peut-être est- ce à partir de cette question du style dans ce qu’il peut avoir de singulier chez chaque psychanalyste, que la psychanalyse pourrait, par-delà les modes, arriver à se renouveler.
Car pour reprendre ce qu’avançait le couturier Yves Saint-Laurent :

« Les modes passent, le style est éternel la mode est futile, le style pas.

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Samedi 7 novembre 14h30-16h 
Réunion-débat autour du livre de Serge Reznik
Les défaillances de la certitude

Cent vingt ans se sont écoulés depuis le livre fondateur de Freud sur L’interprétation du rêve, l’âge de Moïse parvenu au mont Nébo à la lisière de la terre promise qu’il n’atteindra pas. De multiples recherches ont produit un savoir que chaque analyste a la tâche de transmettre en son nom dans sa pratique et par ses écrits. D’où vient la psychanalyse et comment opère-t-elle ? J’ai avancé dans ce questionnement en proposant de délinéer trois aspects qui se retrouvent à la fois dans la cure et les constructions théoriques : l’invention, le décryptage et la transformation. Ces trois termes recoupent les points de vue économique, topique et dynamique de la métapsychologie freudienne, et le ternaire lacanien de l’imaginaire, du symbolique et du réel, dans cet ordre. Je suis parti d’un constat. La psychanalyse n’apporte aucune certitude, elle les fait plutôt vaciller. Sur quels points peut-on alors s’appuyer ? Si la cure repose sur la croyance qu’en s’adressant à un bon entendeur un secours est possible, la clinique freudienne des névroses, psychoses et perversions est une affaire d’écriture, une écriture de la langue singulière. Le psychanalyste s’oriente en faisant confiance à la structure. Il accompagne le sujet au cours de cet étrange voyage intérieur qui explore en tâtonnant les mouvements de l’âme au croisement de l’universel et du plus intime, de la formalisation des mathématiques aux mythes et à la poésie. 

Discutants : Patrick Belamich, Annick Galbiati, Patrick Hochart et Sandrine Malem. 

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Mercredi 25 novembre
Hélène Viennet
A l’écoute des proches-aidants, une psychanalyste dans la cité.

Aller-vers : la psychanalyse parfois doit se couvrir, se vêtir pour opérer en déjouant les résistances.  

L’annonce de la maladie, le handicap ou l’entrée à pas de loup de la démence vient bouleverser toutes les relations et impose une révolution. Lorsque la maladie s’impose et obscurcit l’horizon, chaque protagoniste aura son expression subjective avec les mots ou le corps pour nommer ou taire la réalité insoutenable. Aller-vers, au creux des maisons où tout est devenu plus ou moins cauchemardesque, pour entendre ou révéler une souffrance « en souffrance » permettra d’y réinsuffler un peu de rêverie, une éclaircie à l’horizon. 

Il ne s’agit ni de réparer, ni de résoudre, mais de parer, de contenir, de border, de ressentir. 

L’analyste, psychologue clinicienne allant au domicile pour une demande souvent un peu balbutiante, va aider à nommer l’innommable. La main tendue ne suffira pas, elle pourra même être vécue comme agressive. Le geste altruiste est inopérant si la main n’est pas intrinsèquement sensible, délicate et soutenue par un désir qui n’est pas un vouloir pour… mais un rêver avec.

Dans les moments les plus délicats de la vie, les moments où un arrachement au quotidien nous renvoie au désespoir, à la solitude, à la colère, à la destruction, à la peur, à la mort, être reconnu est un grand pas d’ouverture pour celui qui s’efface devant la souffrance de celui qu’il aime. 

Dans ce travail tourné vers les aidants, il s’agit d’appréhender non pas le moment traumatique mais ce travail d’arrêt sur image qu’est le trauma. Il y a nécessité de faire résonner les mots autrement, d’ouvrir à l’équivoque, à la surprise et d’approcher cette résistance à la rêverie face au réel si prégnant. Oser donc appréhender le trauma sans pathos ni sidération en faisant résonner les mots autrement.

Par le biais du regard, de l’intérêt et pas uniquement de l’écoute, je réactive leur être au monde et leurs capacités subjectives se restaurent. Leur capacité de rêverie ainsi se relance. Vivre, vivre encore plutôt que survivre ! Voilà l’objet de A l’écoute des proches aidants, du répit à la rêverie… 

À L’ÉCOUTE DES PROCHES AIDANTS – DU RÉPIT À LA RÊVERIE  
Editions : Seli Arslan

Présidente de séance : Maryse Martin

Discutants : Jean-Pierre Basclet, Nicole Sorand

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Mercredi 9 décembre
Catherine Perret
Style et institution : Discours de l’analyste et traduction (Une étude de cas)

Discutants: Nora Markman, Marie-Michèle Pagnotta et Jacques Aubry

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Samedi 12 décembre
À partir d’un texte de Pierre Boismenu 
SOIXANTOUISSANCE
lu par Anne Lecoutour, comédienne

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Mercredi 13 janvier
Jean-Pierre BASCLET
« UNE PETITE QUESTION PERFIDE »

Quand on se réclame de la psychanalyse pour examiner une question rencontrée dans la pratique clinique, on ne doit pas oublier la façon dont Freud a proprement « dynamité » le problème de la norme en matière de santé.

S’éloignant de la médecine pour fonder la psychanalyse, il laisse à celle-là (la médecine) l’idée d’une norme dont les différentes symptomatologies, tant physiques que psychiques, s’écarteraient, pour s’accommoder, à l’aide de celle-ci (la psychanalyse) de l’incertitude et la diversité dans lesquelles un sujet humain se construit.

Cette incertitude et cette diversité peuvent se manifester chez certains par l’apparition de maladies psychiques mais aussi somatiques dites « nécessaires » par Pierre Benoit, lesquelles ne sont pas sans embarrasser la médecine qui voit souvent ses efforts contrariés voire déniés par un sujet venu pourtant la solliciter.

Le dialogue de sourds qui s’installe alors parfois entre les patients et les médecins pourrait se faire plus rare si les uns acceptaient de se savoir habités par cette « petite question perfide » et si les autres cessaient de la considérer comme telle quand ils parviennent à l’entendre.

Discutantes : Isabelle Lemaire, Maryse Martin

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Mercredi 20 janvier 2021
Jacques Hassoun, de mémoire…
Film de Paul Perez,

Une projection du film de Paul Perez intitulé Jacques Hassoun de Mémoire avait été organisée en 2009 à l’occasion d’un colloque appelé lui aussi Jacques Hassoun …de mémoire. Les orateurs et auteurs, puisqu’un livre a été édité à sa suite, avaient été invités à faire part de leurs rapports avec l’œuvre de Jacques Hassoun.

Nous proposons aujourd’hui une nouvelle présentation de ce film dans la perspective d’une continuité en excluant toute volonté de commémoration.

 En effet il nous a paru intéressant et utile d’être attentif au parcours de quelqu’un, Jacques Hassoun en l’occurrence, qui a été conduit à devenir psychanalyste. Pour dire les choses rapidement, il a pris en compte d’une manière « critique » tout ce qui lui a été transmis par sa famille ses amis et ses camarades. En même temps il a toujours été continuellement affecté par la politique où, jusqu’au bout, ses engagements n’ont pas manqué. De plus, en étant toujours sensible à ce qu’est un sujet, il n’est peut-être pas surprenant que la psychanalyse l’ait guetté comme lui a pu guetter la psychanalyse. Or dans son exercice même toutes ces dimensions étaient intégrées. Cette trajectoire, que Paul Perez a su si bien capter et transmettre, nous indique qu’ainsi la psychanalyse prend sa pleine dimension et qu’elle participe d’un exercice politique. 

J’enfonce sans doute des portes ouvertes mais dans l’écoute du patient, tenir et faire travailler ensemble tout ce qui a affecté et constitué un sujet ne va pas de soi. Il me semble en outre que de s’y efforcer devrait contribuer à l’évolution nécessaire de la psychanalyse inscrite et nécessaire dans le monde contemporain. 

Le film, semble-t-il, déplie ces questions et leurs difficultés sans faire de J H un modèle mais un simple exemple (comme on dit « par exemple ») qui devrait nous aider à penser plus loin
C. Spielmann

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Samedi 23 janvier 2021
Rencontre avec Patricia JANODY psychiatre et psychanalyste
autour de ses derniers livres : 

  • Chers collègues inconnus, Zone 3, EPEL éd., 2019
  • Zone frère, une clinique du déplacement, EPEL, 2014
  • Hors zone, une clinique de l’embranchement, EPEL, 2016

Patricia JANODY est par ailleurs l’auteur de : 

  • Constructions schizophréniques, constructions cartésiennes, Erès éd., Point Hors Ligne, 1998
  • De nombreux articles, notamment dans la revue Essaim

Depuis 2016, elle est coordinatrice de la revue Les Nouveaux Cahiers pour la folie, 

dernier numéro paru, numéro 11, octobre 2020, éditions EPEL

Présentation : Jean-Yves Broudic 
Discutant : Pierre Boismenu

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Mercredi 3 février 2021
Jean CHAMBRY Pédopsychiatre
Président de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et des Disciplines Associés (S.F.P.E.A.D.A.)
Dysphorie de genre, transexualité

L’enfance et l’adolescence sont traversées de questionnements identitaires, parties émergentes d’un processus de construction d’identité en cours et de ses bouleversements pulsionnels associés.  Alors que Freud révolutionna la société du début du XXème siècle en mettant en lumière une sexualité infantile, la psychanalyse semble aujourd’hui heurtée par les mutations contemporaines de la sexualité infantile. Que viennent questionner transexualisme et théorie du genre ? Se sentant menacés dans leurs concepts, certains psychanalystes seraient prêts à revenir à des arguments biologiques et naturalistes, à invoquer la folie, pour maintenir une doxa. Pourtant qu’expriment, Che Vuoi, les enfants, les adolescents qui consultent pour faire une transition vers l’autre sexe ? Est-ce simplement une demande à écouter, un fantasme à analyser chez ces sujets qui se retrouvent dans l’appellation « dysphorie de genre » ? Les transitions interrogent les limites. Celle de l’enfant, de son parent, face au réel du corps et aux contingences de la naissance ; celle de la médecine dans son pouvoir de transformer ce corps. Doivent-ils l’un comme l’autre, accepter la limite, peuvent-ils s’en affranchir ? Des consultations de pédopsychiatrie spécialisée et d’endocrinologie pédiatrique ont dû s’ouvrir pour répondre aux nombres de ces enfants et adolescents qui se perçoivent dans une identité sexuelle différente de celle assignée à leur naissance. Et pour recevoir également les parents, pas toujours bienveillants, confrontés à la souffrance de leur enfant, impuissants face à la force de leur conviction.  Mais sont-ils poussés dans leur quête par du pulsionnel ou par un désir d’identité ? En définitive, est-ce une question d’identité ou de sexualité ? Comment comprendre ces croisements entre l’individu et le social ?  Les conséquences psychiques de la différence des sexes sont-elles toujours relatives à la valeur sociale des corps ?  Ne réduisons pas la complexité du sujet en lui l’enfermant dans des cadres théoriques, et profitons de l’intervention du Dr Chambry pour tenter d’en saisir les enjeux subjectifs et sociétaux.

Discutant : Gaël Malpertu

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Mercredi 3 mars 2021 à 20h30
Yaëlle SIBONY-MALPERTU
SE DEFAIRE DU TRAUMATISME

Il y a deux ans, lors d’une rencontre franco-américaine consacrée aux « Échecs de la psychanalyse », je vous avais fait part de réflexions nées de mes lectures Outre Atlantiques (Dori Laub, Cathy Caruth, Arthur Blank). J’avais abordé l’expérience personnelle du psychiatre et psychanalyste Arthur Blank qui, dans les années 70, avait été en peine de trouver un clinicien capable d’écouter ses propres traumatismes rattachés à la guerre du Vietnam. J’avais aussi abordé ce qui conduisit à la même époque Dori Laub à réaliser l’importance des transmissions intergénérationnelles de traumas, tandis qu’il était psychiatre au front durant la Guerre du Kippour. Enfin, l’approche d’un individu comme descendant d’une lignée (me référant à Françoise Davoine et à Yolanda Gampel), héritier de traumas pouvant figer son existence, complétait cette réflexion sur la manière dont la psychanalyse est amenée à intégrer dans son corpus des repères que la clinique lui réclame concernant les traumas. 

À l’occasion de la sortie de mon deuxième ouvrage, Se défaire du traumatisme, je vous propose de reprendre cette réflexion. Je développe dans ce livre différents aspects de ce qui m’a conduit à établir ce dialogue avec eux et à poursuivre mes recherches sur ce sujet. J’y aborde certains fonctionnements de la mémoire traumatique ainsi que les réactions –de l’entourage, des professionnels, de la société– face aux victimes d’événements traumatiques. Enfin, je propose des repères cliniques pour aider un patient à « se reconstruire ». 

Afin d’échanger autour de nos expériences, je vous propose d’illustrer la nécessité de prendre en compte les spécificités des mécanismes traumatiques, qui brouillent les repères de chacun, victime, thérapeute, société, et poursuivent leur œuvre de destruction lorsqu’on ne parvient pas à les identifier et à en atténuer la force.

SE DEFAIRE DU TRAUMATISME
Symptômes post-traumatiques et transmissions familiales (Ed; DESCLEE DE BROUWER)

Discutante : Nicole Sorand  

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Samedi 20 mars à 14h 30
Jacques NASSIF
POUR BATAILLE (éditions du Crépuscule, 2019)

Beaucoup de surprises attendent le lecteur de ce livre. D’abord celle de l’existence d’une alliance objective entre les deux géants du siècle passé, ayant pu aller jusqu’au pacte tacite, mais constamment renouvelé entre la psychanalyse et la philosophie, anti-hegélienne, bien sûr. Ensuite, celle de la connaissance approfondie des textes de Freud, dès les années 20-30, que pouvait avoir Bataille, et bien avant que Lacan ne s’en empreigne, si l’on veut bien prendre enfin en compte ses écrits du tome II de ses oeuvres Complètes, publiés seulement en 1970. Mais surtout, il devient évident que ce savoir qui est à légitimer, car il est celui d’un analysant, a permis à un écrivain portant ce nom de mener un triple combat : celui, évidemment contre la pusillanimité des plumes surréalistes et toutes les positions qu’il qualifie d’icariennes au regard de l’indécence du sexe ; donc, par là même, l’ouverture d’un autre front : celui d’une réhabilitation de Sade, qui sera présenté dans ces pages comme l’ancêtre le plus direct de Freud, celui-ci offrant enfin à sa « valeur d’usage » une « valeur d’échange » ; enfin la prise en compte effective, non seulement des dangers, mais de la réelle fascination que peut exercer le fascisme sur l’esprit rendu mélancolique par tous les progrès d’une science qui évacue la dimension du sujet, le privant de toute attache à sa terre et son histoire. Après la mort du Roi et la mort de Dieu, l’œuvre relue de Bataille offre ainsi l’occasion de devoir surtout se convaincre de la mort de l’Un. Il importera bannir l’univocité du sens et d’affirmer la prise en compte, chaque fois que s’énonce un désir, de la contradiction qu’il abrite en son sein entre l’excrétion qu’il permet et la réappropriation qu’il réclame.

Discutant Claude RABANT 

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Mercredi 26 mai
L’homme Moïse, un roman historique (Ed. Imago, 2021)
par Thomas Gindele, 

Depuis 1939, les « freudiens » n’ont guère cherché à comprendre l’énigme du dernier livre de Freud, à part la préface de Marie Moscovici à la traduction de L’homme Moïse… de 1986. Un ancien président de l’IPA me lançait, il y a une dizaine d’années : « mais je n’y connais rien, à l’Histoire ! » Il voulait dire que le Moïse ne valait pas la peine de faire cet effort, car en fait, il n’avait pas grand-chose à voir avec la psychanalyse.

En revanche, les lacaniens, s’intéressant aux autres sciences humaines, ce sont eux qui ont édité des ouvrages sur cette question, quatre livres, à ma connaissance. 

A l’évidence, la chose est importante, Freud n’écrit-il pas à Eitingon : « une partie du texte inflige de graves offenses au sentiment juif, une autre au sentiment chrétien, deux choses qu’il vaut mieux éviter à notre époque. » (lettre du 27 octobre 1934) ? Le Moïse est un livre qui vise à expliquer l’histoire des derniers millénaires de la culture, accessible grâce à l’emploi des instruments psychanalytiques !

Or, les historiens ont abandonné la question de l’origine du monothéisme aux biblistes, qui sont formés par des études religieuses ! Est-ce là la raison pour laquelle ces derniers n’ont pas réussi à trouver de réponse au problème majeur posé par le texte de la Torah, à savoir la coupure entre les deux premiers livres de la Bible, qu’on appelle en français la Genèse et l’Exode ?

Lacan avait pensé à ce problème : « Qu’est-ce qu’était Moïse ? (…) depuis quand Yahvé était là. Yahvé était-il déjà le dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? (…) Ou cette tradition a-t-elle pu être rétroactivement reconstituée par le fondateur de religion que serait alors Moïse (…) ? » (Séminaire du 15 avril 1970)

Mais comment traiter ces questions qui sont bien présentes au sein du texte de Freud – sauf qu’elles n’y sont pas expliquées de façon transparente ? Ici aussi, une phrase de Lacan peut servir d’appui : « Qu’est-ce que Moïse, foutre nom de Dieu – c’est le cas de le dire – a à faire avec Œdipe et le père de la horde primitive ? Il doit bien y avoir là-dedans quelque chose qui tient du contenu manifeste et du contenu latent. » (Séminaire du 11 mars 1970).

La comparaison de la première version inédite du Moïse (1934) avec le texte publié donne de précieux indices à cet égard. Freud avait pris le soin de la mentionner à deux reprises (GW p. 158 et p. 210) – et de nous laisser le manuscrit en question, que nous avons retrouvé à la Bibliothèque du Congrès à Washington, transcrit et traduit avec Michel Fagard.

Discutant : Serge Reznik

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Mercredi 9 juin 2021
Danièle ESPTEIN
Les enfants naufragés du néo-libéralisme

« Quelles sont les conséquences psychiques des violences de notre temps sur les plus vulnérables de nos enfants? Dans les coulisses de la croissance qui promet le bonheur à portée de consommation, le dénuement fait retour sur les plus fragiles. le reflux de la misère économique et psychique est la face cachée de la rationalité économique et technocratique.

Devant les lendemains qui déchantent, les enfants du néolibéralisme cèdent aux mirages de notre temps et s’étourdissent dans la jouissance de l’instant. Entre violences et addictions,  entre régression et agression,  entre fuite en avant maniaque  et plongée mélancolique, ils sont les naufragés psychiques d’un effondrement symbolique. Ces jeunes sont le symptôme social d’une société déboussolée par les promesses illusoires du néolibéralisme et de l’hypermodernité, creuset des inégalités.

Faire antidote aux mirages de notre temps, c’est leur transmettre la force et le désir de ne pas s’y laisser engloutir, c’est faire de leur rage de vivre le socle d’une implication citoyenne. Tel est l’objectif de cette réflexion »

Discutants : Pascale Hassoun, Annick Galbiati, Pierre Boismenu  

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Mercredi 16 juin 2021 
Camille MONDUIT de CAUSSADE
Rêves et confinement

 » (…) existe-t-il des récits de rêve disjoints de leur interprétation ? Est-il imaginable de désactiver ces filtres de lecture symbolique que sont les songes ou la psychanalyse et d’accéder au matériau brut ? Je pose la question pour la forme, il n’y a pas de doute sur la réponse qui est non, forcément non, puisque transcrire un rêve, si fidèlement qu’on s’y efforce, c’est déjà prendre en compte tout ce qu’y ajoute la veille et donc l’interpréter. » Emmanuel Carrère, préface au livre d’Emil Szittya, 82 rêves pendant la guerre 1939-1945, Allary Editions, 2019.

Emil Szittya est un peintre hongrois. En France en 1939, il avait entrepris de collecter les rêves sous l’Occupation. Il demandait à toutes les personnes qu’il rencontrait de lui raconter un rêve. Une collecte, un recueil, sans interprétation, une « enquête indiscrète qui n’était pas de la psychanalyse (et) avait pour but de découvrir ce que pensaient les hommes de la guerre et de la Résistance. »

Il y a un an, en mars 2020, en plein confinement, c’est Charlotte Beradt et son livre Rêver sous le IIIe Reich (Payot,2002) qui m’est apparu alors que j’avais cessé de rêver. Je me suis demandée à quel point ce que nous vivions collectivement se répercutait sur nos rêves ou notre absence de rêve. Le confinement, la peur et les effets du discours : « nous sommes en guerre ».

J’ai demandé à un certain nombre de personnes que je connaissais ou non à quoi ils rêvaient. Je leur ai demandé de s’enregistrer, depuis leur lieu de confinement, racontant leur rêve. Cela a donné lieu à une collecte, que je vous invite à écouter :

h »ps://soundcloud.com/phonurgia-nova/sets/radio-labo_atelier4_recueil-de.
Rêves, rêves d’angoisse qui nous aident à réfléchir : Le confinement et les discours qui l’ont entouré ont-ils eu des effets sur nos rêves ? En quoi nos rêves sont-ils politiques ?

Déjà chez Freud, de nombreux commentaires vont dans le sens d’une sociologie du rêve :
« Dans la vie psychique de l’individu pris isolément, l’autre intervient régulièrement en tant que modèle, soutien et adversaire, et de ce fait, la psychologie individuelle est aussi, d’emblée et simultanément, une psychologie sociale (…). » (Sigmund Freud, Essais de psychanalyse, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1981 (1921), p.124.

Après un retour à Freud, nous nous appuierons sur nos enregistrements des rêves, mais aussi sur les exemples de Charlotte Beradt, Jean Cayrol, Emil Szittya, Ismaïl Kadaré, et plus récemment Bernard Lahire -qui introduit le rêve en tant que phénomène social- à titre d’exemples de collectes de rêves issus de la littérature ou de la sociologie. Je vous propose de réfléchir à ce que disent nos rêves de notre façon de vivre l’histoire collective. 

Camille MONDUIT de CAUSSADE   est psychologue, psychanalyste, doctorante en sciences sociales
recherche en cours sur l’histoire de la pédopsychiatrie de secteur.   

Discutant Gaël Malpertu

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Samedi 26 juin Suzanne Ginestet-Delbreil
PETITE HISTOIRE DU DESIR AU FEMININ, 
Des bases érotiques de la domination masculine

(Edition Campagne Première, 2020)

Suzanne Ginestet-Delbreil revient sur les cheminements théoriques et les controverses qui ont agité le milieu psychanalytique depuis Freud, qui révèlent la difficulté à penser le désir au féminin. Elle aborde ces questions sous l’angle historique et analytique en réinterrogeant les concepts de savoir, logos et jouissance de l’Antiquité à nos jours. Elle montre comment la première controverse entre Freud et Jones s’est poursuivie par ce qu’elle appelle la seconde controverse entre Lacan et Montrelay. 

Son écrit débouche sur une réflexion sur les questions contemporaines de genre, de filiation et de relations amoureuses.

Présentation : Jean-Yves Broudic 
Discutant : Daniel Weiss