Pascale HASSOUN
Le geste d’écriture du psychanalyste

Intervention au colloque de Chengdu en avril 2002

 

 

Le geste d’écriture du psychanalyste

 

La Chine s’est présentée à moi par la calligraphie et par les courtes sentences de sages chinois très anciens.

Chine. Espace et temps très éloignés.

Je pensais ne jamais pouvoir la rejoindre.

Sauf par mon intérêt pour la discipline du trait qu’est la calligraphie.

J’étais dans ces pensées quand j’ai reçu un enfant qui m’a fait le cadeau de m’apprendre quelque chose ;

C’était lui mon maitre.

 

Comme j’avais lu chez les calligraphes et les sages chinois que le plus petit peut être le maître du plus grand,  j’ai interprété la rencontre de ce petit garçon comme un viatique pour venir en Chine

 

On pourrait comparer le processus psychanalytique au geste du calligraphe: il prend la plume, se concentre. D’un geste souple et ferme il parcourt la page, dessine courbes, pleins et déliés, montagnes, vallées et rivages et lorsque son geste s’achève la lettre apparaît.

 

Le processus psychanalytique est le parcours qui s’achève par la lettre. Lorsque nous nous risquons au processus psychanalytique nous n’avons pas le mot nous sommes à sa recherche. Il nous faut sauter en parachute, voire en chute libre, abandonner l’appui de l’intellectuel pour se laisser aspirer par le courant d’air de l’affect qui nous amène au bord de nos limites, au bord de l’appréhendable. Enfin nous pouvons mettre le mot juste là où nous nous sentions dispersé.

 

Tout jusqu’alors nous poussait dans notre paysage intérieur à contrôler le vertige, à contrôler la peur de la montée ou de la descente trop rapide. Nous étions mobilisés, immobilisés par les points douloureux.

 

Ce que nous faisons avec la psychanalyse c’est retrouver l’inscription inconsciente sous la surface du mot, c’est retrouver la force minérale sous les couches sédimentées par le traumatisme.

 

Quand le mot ou la lettre adviennent c’est comme le vol plané de l’oiseau qui prend le vent, qui se laisse porter et dériver. C’est le pinceau qui trace une ligne entre ce qui est pensé, parlé et vécu.

Le parcours d’une trace au bout du compte fait une lettre.

Nous ne sommes plus dans la pesanteur d’une recherche de dépendance. Nous sommes poussés au travail de deuil qui consiste à nous séparer d’une présence que nous aurions aimé pourtant garder concrète, ce qui nous amenait à répéter pour ne pas la perdre. Nous faisons le deuil d’une image parentale intériorisée et ainsi la pensée peut prendre son envol.

Tel le goéland plongeant vers l’écume de mer nous retrouvons cette légèreté, cette sorte d’apesanteur éprouvée au moment fugace où la continuité entre le ciel et la mer semble être possible.

La posture corporelle et mentale de l’analyste et du patient font partie de ce processus.

Le psychanalyste induit un mouvement dans lequel l’analysant lui aussi se lance. Ce n’est pas le psychanalyste qui prendrait l’analysant dans son propre mouvement. Non. Entendre pour le psychanalyste c’est enclencher un mouvement dynamique dans lequel l’analysant est acteur.

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